Astéroïdes. Madeleine et Léonie #9

Mad et Léo (Astéroides)
© andrea couturet

[On entend deux mouches voler. Puis, au bout de onze secondes et six centièmes, soit une éternité].

– Alors il paraît que nous sommes « attachantes et énigmatiques »…
– Mmm…
Joséphine, quel prénom ravissant ! Fin, poétique, scintillant.
– Primo, permets-moi de te dire que ta série adjectivale est d’une pauvreté sans nom. Deuxio, tu fais preuve d’une naïveté confondante. Si ça se trouve, il s’agit d’un pseudo.
– Un. Je ne te permets pas de me parler de la sorte. Deux. Un pseudo, et alors ?
[Tout à coup, elles se mettent à chuchoter. Impossible de percevoir le moindre écho de leur conciliabule. Puis au bout de quelques secondes].
– Ah ! Mon intuition me dit que Joséphine sait « voir les moutons à travers des caisses ». C’est pourquoi je crois intimement qu’elle est originaire de l’astéroïde B 612.
– Ben voyons. Seul le côté obscur de la Force pourrait lui donner ce genre de pouvoir.
– ARRETE TOUT DE SUITE CES INVECTIVES GROTESQUES ! N’oublie pas que l’hôpital psychiatrique est à deux pas.
– Oh là là, si on ne peut plus plaisanter. [à part soi. Il n’empêche que toutes ces filles qui se croient spéciales me donnent la nausée.]

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Douche froide. Léonie sans Madeleine #8

Léonie
© épaisseur sans consistance


N’allez pas croire tout ce que vous raconte la vieille au chapeau rose (ah ah, le coup de l’aiguille à tricoter ! J’aime bien l’emmerder).

Certes, Andrea a fait des progrès non négligeables dans ses rapports au monde, aux autres, aux livres, bla bla bla. Mais il lui arrive encore parfois de connaître de fâcheuses piqûres de rappel. Un auteur adulé, idéalisé tombe de son piédestal en deux coups de cuiller à pot et bien entendu, il l’entraîne dans sa chute. A deux, c’est mieux, non ?

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La plume de Joséphine

Joséphine Lanesem

« Parce que la forme est contraignante, l’idée jaillit plus intense ! ». On pourrait appliquer ce mot de Baudelaire à l’exercice de style que s’impose et propose Joséphine Lanesem avec brio dans son recueil Je serai ta cage et ta forêt. A partir de cinq mots choisis par ses proches et amis, elle compose un récit pour chacun, « comme une histoire sur mesure », à la manière d’un musicien inspiré, échevelé.

La plume de Joséphine, c’est la « plume du joséphin, oiseau azuré des glaciers ». C’est la plume de l’oiseau de Paradis niché dans la transparence éclatante de L’Arbre du Paradis, incarné par le souffle des pinceaux de Séraphine de Senlis (quelle merveilleuse mise en bouche que la première de couverture !). C’est un don, un abandon qui a le bon goût de l’enfance, de l’étrangeté, de l’intériorité. Comme l’a souligné une grenouille amoureuse d’un hortensia (mais-pas-que), c’est surtout une déclaration d’amour à ses proches et amis – et aussi une offrande généreuse à ses lecteurs.

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Idéalisation. Madeleine sans Léonie #7

Léonie
© andrea couturet

Mais, où est donc passée mon aiguille ?! [Un temps] Non. Elle n’a pas fait ça. Ce serait pur enfantillage. LÉONIE ! RENDS-MOI IMMÉDIATEMENT MON OUTIL DE TRAVAIL ! Cette écharpe ne sera jamais finie à temps. Mais pourquoi je m’égosille de la sorte, moi, alors que je suis en si charmante compagnie ?

Ah, Christian Bobin ! Toute une époque. Depuis quelques jours, Andrea baigne dans une sorte de nostalgie distanciée. En effet, sur le blog de Martine, elle a découvert un nouveau lien, un « atelier à ciel ouvert », Nervures et entailles de Joséphine Lanesem : un lieu rafraîchissant, irrigué par une écriture soignée, exigeante, vivante et à l’identité formelle d’une sobriété résolument avantageuse – sauf peut-être la couleur indéfinissable de l’arrière-plan tirant sur le bleu-vert ou le vert-bleuté, étendue maritime pixelisée qui lui pique les yeux (trop de louanges serait douteux, n’est-ce-pas, et puis tout le monde ne voit pas la vie en bleu).

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Palabres

Sous un feu maquillé de prose, feu de fortune clandestine, se lit l’empreinte illusoire d’un écho glacé : celui des mots bas, chuchotements intimes qu’engendrent d’ancestraux parfums. Aux termes de ceux-ci, s’évaporent d’autres paroles infâmes. Enflammée, véhémente, la rencontre l’est. Les victimes de ce grand feu soudain se taisent. Comme un beau fruit empoisonné, insolent dans sa lumière blafarde, le verbe se veut alors de nacre ou de cornaline. Peut-il infiniment prévenir le Verbe ? Et le Verbe peut-il perdre sa majuscule ? Tandis que leurs métamorphoses surprennent encore le lourd vertige de ma sourde voix, sous un feu maquillé de vers, se lit la candeur des mots bas…

© épaisseur sans consistance. Décembre 1989

La composition muette

Conçue d’étain, d’or et de grâce quelques bulles plus tôt.

A l’affût de deux ou trois rictus de vie, quelques vertiges plus tard, un collège blanc butine d’elle à elles. Aucune feinte galante en son état, à peine quelques concrétions d’étain, comme l’on dit d’un volcan qu’il est éteint. A jamais. Morne deuil. Sur elle, un vieux candélabre veille. Un cadeau, une joie antique de l’ami disparu. Étincelante dune à la candeur délabrée. Ainsi la voilà soliste en des murs gris où, léger, son art diffuse un filet d’eau, un voile d’origine glacière. Un corps de ballet dans un cirque. Noirs, ses yeux ne murmurent pas autre chose. A moins que ce ne soit le cirque dans ce fameux corps de ballet… Qui sait ? Mais le collège blanc est formel : il s’agit bel et bien d’une implosion cérébrale à caractère pictural et poétique, entraînant une aphonie douteuse. Ses doigts l’ont trahie et les dégâts sont nombreux. Ebauche elle est devenue, à moins qu’elle ne soit née chef-d’œuvre absolu, incognito. Parviendront-ils à la débaucher, et comment ? Peut-être à coup de grimaces ponctuées de « dis bonjour à la dame » ou de « tu te souviens de la grande cascade ? », sûrement en se racontant des histoires qui ne la concernent aucunement. Décidément, l’enjeu de cette composition leur échappe, aussi ce collège blanc demeurera-t-il toujours à ses yeux un vague essaim de bleus, à jamais hors sujet.

Conçue d’étain, d’or mais de grâce, laissez-la mourir ! Elle s’épanouit ! Elle rayonne ! N’avez-vous donc jamais perçu le souffle bleu d’une étoile filante ?

© épaisseur sans consistance. Septembre 1991

Abrutissante. Madeleine et Léonie #6

– Ce n’est pas la délicatesse qui l’étouffe, comme dirait l’autre.
– Peut-on connaître ce qui motive ton agressivité, en ce jour de forte chaleur ?
– Tu as vu ce qu’elle est en train de lire ?! C’est une véritable provocation !
Les Demeurées ? La réalité est beaucoup plus simple, ma chère Léonie. Elle a poussé la porte d’une librairie, Le Cadran lunaire. Sur une des tables d’exposition, un titre a attiré tout particulièrement son regard. Elle a interrogé le libraire, lequel lui a fourni de manière très professionnelle des informations plutôt captivantes sur Jeanne Benameur.
– Et d’après toi, en achetant ce livre au titre si évocateur, elle n’a pas pensé à nous un seul instant – ne serait-ce qu’une fraction de seconde ?!
– Tu fais preuve d’un égocentrisme monstrueux ! Pourquoi diable es-tu toujours sur la défensive ?! Serais-tu devenue subitement « abrutie », à l’image des personnages de Jeanne Benameur ?
– Tu m’insultes maintenant ?!
– Eh oh, du calme ! Tu te prends pour la folle de Passy ou quoi ?! Ecoute plutôt ce portrait de la mère qu’on appelle La Varienne :

« Demeurée, c’est l’autre nom pour l’abrutie qu’elle est.
Demeurée, oui, demeurée, devant la grille close, longtemps, sous la bruine rousse de septembre, jusqu’à ce qu’une jeune femme, l’institutrice, sorte et lui dise ‘Il faut partir maintenant’ » (page 22)
« Empaquetée dans l’étouffement de ce qu’elle ne peut pas nommer, elle est demeurée » (page 23)

Quant à la fille, la petite Luce, c’est une fleur de rien du tout, une herbe folle :

« Dès que les paroles claires de Mademoiselle Solange menacent de pénétrer à l’intérieur d’elle, là où toute chose pourrait se comprendre, elle fuit. D’une enjambée muette, elle se niche où le plâtre du mur se délite, au coin de la grande carte de géographie, près du bureau.
Entre les grains usés, presque une poussière, elle a sa place. Elle fait mur. Aucun savoir n’entrera. L’école ne l’aura pas.
Elle demeure. Abrutie comme sa mère. Aimante et désolée ». (page 28)

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Pathologies murales

Le cri d'une pathologie murale

Au secours ! Faites quelque chose, bon sang ! Vous ne pouvez pas les laisser faire ça ! Ma disparition est imminente ! Je ne suis que la conséquence d’une pollution urbaine assassine. Aidez-moi, je vous en prie ! Eh, toi, tu ne peux pas faire quelque chose pour moi ?

Cri jaune

    

On ne joue pas dans la même cour, mon pote. Désolé.
A chacun son mur, à chacun son cri.
Tu peux toujours demander à mon ami, installé à Oslo, mais je crains qu’il ne soit en plus mauvais état que toi.

Illustration
Cri jaune, Benjamin Saulnier-Blache
http://bsbcrea.e-monsite.com/

© épaisseur sans consistance

La Pléiade

Lire me transporte.

Je me faisais une joie de passer ma soirée en compagnie de Nathalie Sarraute. Dans ma bibliothèque, mes livres sont plus ou moins classés par ordre alphabétique. Pourtant, à la lettre S et dans son voisinage le plus proche, après plusieurs vérifications, je dois me rendre à l’évidence : pas de Tropismes en édition de poche !

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