
Ce matin,
une bigoudène s’est échouée
sur le sol de mon balcon.
© épaisseur sans consistance, Octobre 2017

Ce matin,
une bigoudène s’est échouée
sur le sol de mon balcon.
© épaisseur sans consistance, Octobre 2017

– Rose est passée me voir cette nuit.
– Rose Trémière ou Rose Bonbon ?
– La plus délicieuse des Rose qu’il nous ait été donné de cueillir sur notre tortueux chemin. [elle est bouleversée]. Je me souviens encore des premières lignes de l’article paru dans le journal. « On apprend de source policière que le corps retrouvé lundi dernier dans le petit village de *** est bien celui de Rose de Laperle, fille unique de la riche héritière, Adèle de Laperle, décédée trois mois plus tôt à l’âge de 99 ans ».
– Au nom du ciel, Madeleine, ne reviens pas sur cette sombre histoire, lointaine et sans âge.
– Quelle étrangeté. Elle est entrée dans mon rêve sur la pointe des pieds en hurlant, en poussant des cris muets… Rose, la douceur incarnée devenue figure hurlante à la Bourdelle. C’était saisissant !
– Je n’ai jamais compris l’expression « fait divers ».
Sous un loup de velours vert, à la manière d’une crêpe soyeuse, laiteuse, elle prend son envol. Château, verdure, lumière. Élégante, telle une raie sans queue de pie, elle joue au fantôme, avec une robe de mariée, avec une robe de soirée, dans la fureur des visages pâles, poudrés et masqués. Une cérémonie vert-de-gris qui n’aura duré que le temps d’une chanson. Soudain, dans la brume, au-delà de l’éclat des bulles de champagne, le bleu infini de ses yeux… A travers la rumeur des voix, la grâce de son air silencieux… Dans la fraîcheur de la nuit, la finesse de son teint bois de rose.
Lire la suite La moisissureA Londres, un jeune homme arrive, plié en deux, au service des urgences de University College Milk Tea Hospital, pour ce qui ressemble à un désordre viscéral. Il ne maîtrise pas très bien la langue de Shakespeare. Rapidement pris en charge, il répond tant bien que mal à l’interrogatoire d’usage… jusqu’à ce que le médecin lui demande : « How do you feel ? ».
« Dans les semaines qui ont suivi, la vie s’est organisée. Il y a eu des croisements. Marc Mazetti par exemple a vu un matin Béatrice Benoît dévaler les marches du perron et courir dans l’allée. Un instant il a cru qu’elle se précipitait vers lui. Il s’est figé. La peur qu’il soit arrivé quelque chose au vieil homme. Mais non. Elle était juste en retard, courait vers sa mobylette garée près de l’entrée. Elle est passée à côté de lui, a fait un signe de la main. Il se l’est rappelé après, plusieurs fois dans la journée. A chaque fois il en était heureux. C’était un geste amical. Il y avait donc entre eux une sorte de connivence, une familiarité. Oui, il en était heureux. »
Ce matin-là, alors que je m’apprête à arroser mes géraniums, j’aperçois une tache qui s’agite sur le sol de mon balcon. J’ajuste mes lunettes. Pas de doute, il s’agit bien d’une punaise verte en mauvaise posture, ses trois paires de pattes en l’air. Je dépose mon arrosoir, cours chercher un morceau de papier et retourne sur les lieux du drame. Elle pédale toujours dans le vide, tourne sur elle-même. Allez, essaye de te redresser toute seule. Tu vas bien y arriver. Non, décidément, elle a besoin d’aide. Je connais l’issue de cette histoire, c’est peut-être pour cette raison que cette scène me fait sourire et qu’elle me rend joyeuse (Léonie aurait sans doute préféré une version plus nauséabonde de la fin mais elle n’a pas droit à la parole dans cet espace, n’est-ce-pas).
Lire la suite EchangesSous mes pas, l’éloquence du bois réinvente son humeur savante.
On connaît sa fin, cela seul nous retient. Sous le voile épais du miroir, se dessine l’âpreté des jours intemporels. A l’ombre d’une magie froissée par une source d’images fécondes, fécondité censurée par la Majuscule, je découvre, non sans amertume, les œuvres qui ne sont pas, qui ne sont plus. Je goûte au fruit stérile des longues dernières années et je suffoque avec elle. Décomposée, je navigue au bon gré de son cri, lourd d’ivresse maladive.
Lire la suite Émoi muséo
– Oh dis donc, on dirait qu’on a vu le loup !
– Le loup ?! Il avait une tête de mort, alors.

– Pourquoi tu m’emmènes toujours dans des endroits improbables ?
– L’ambiance néon-violacé de cette boîte de nuit me rappelle la couleur de mon intestin grêle. Et tu n’es pas obligée de me suivre, patate.
– Ah oui… Et qui prendrait les selfis ? Avec tes mains briochées, tu peux à peine tenir deux aiguilles à tricoter…
– Occupe-toi donc de vivre l’instant présent, ma cocotte. Born to be alive…