Ex nihilo. Madeleine et Léonie #5

Mad & Léo (5)
@ Andrea Couturet

– Je t’écoute.
– A quel propos ?
– Eh bien, on répond ensemble au courriel d’Andrea, non ?
– Cette fille est complètement perchée – comme le corbeau de la Fable. Pourquoi perdre ton énergie à lui répondre ?
– Tu n’as rien compris à son courriel ?
– Ecoute. Cela me rappelle Boualem Sansal qui intervenait dans La Grande Librairie en novembre 2015, après les attentats. Il disait à peu près ceci : « Nous acceptons la Vie, comme ça, dans son absolu. On ne cherche pas à savoir d’où elle vient. Il n’y a aucun être humain parmi nous qui cherche à savoir d’où elle vient… Elle vient de Dieu ou elle vient de molécules qui se sont formées dans l’espace… ça ne nous [intéresse pas]. On existe. On vit. On a ce désir de vivre librement. »
– Oui. Et alors ? 

Lire la suite Ex nihilo. Madeleine et Léonie #5

Le titre. Madeleine et Léonie #4

Objet : C’est quoi, ce titre ?!
Jeudi 15 juin, 08:39
De : andreacouturet@orange.fr
A : madetleo@gmail.com


« J’ai appris aussi qu’une vie ne vaut rien, mais que rien ne vaut une vie ».
Les ConquérantsAndré Malraux,  Grasset, 1928

Chère Madeleine, chère Léonie,

On dirait que vous prenez goût à votre nouvel environnement 2.0 – n’est-ce-pas, Léonie ?!

Je vais tenter de répondre à vos interrogations quant à la signification du titre de ce blog car vous n’êtes pas les seules à ouvrir de grands yeux ronds. Vous êtes bien accrochées à vos aiguilles à tricoter ?! Alors, allons-y !

Lire la suite Le titre. Madeleine et Léonie #4

Pour Soa. Madeleine et Léonie #3

– Qui est Soa ?
– Quoi ?!
– Tu as besoin d’une prothèse auditive, Madeleine. Intra-auriculaires, contour d’oreilles… Un clic, et hop. JE TE DEMANDE QUI EST SOA ?
– NE CRIE PAS !!!
– Mais je ne crie pas.
– Tu prétends ne pas connaître Soa ???
– Pourquoi devrais-je la connaître ? Les premiers commentaires postés sur ce blog sont signés Soa. Je repose ma question : c’est qui ? Dis-moi que ce n’est pas un robot – même féminin.
– Eh bien, on pourrait dire que cette jeune femme, qui n’est pas un automate, symbolise à elle seule ce qu’il est convenu d’appeler un déclic.
– Un déclic. Tu peux préciser.
– Le mot n’est pas très poétique, j’en conviens, mais je n’en ai pas trouvé d’autre. Vois-tu, sans Soa, ce blog n’aurait jamais vu le jour.

Lire la suite Pour Soa. Madeleine et Léonie #3

Ubiquité. Madeleine et Léonie #2

Madeleine et Léonie

– Eh bien, comment vas-tu depuis la dernière fois ? Tu parviens à apprivoiser ton nouvel espace-temps numérique ?
– Je ne suis pas là.
– Ah. Et t’es où ?
– Dans le train. Attention, on entre dans un tunnel, ça va couper.
– Ma pauvre Léonie, tu ne crois pas qu’il serait temps d’accueillir avec curiosité, bienveillance et pragmatisme cette époque nouvelle. Tu sous-estimes ses richesses et…
– Silence ! Tu ne vois pas que je suis au Musée de la Vie romantique, en compagnie de Pierre-Joseph Redouté. J’aime tellement la délicatesse de son travail. Et ses roses sont tellement plus expressives que tes misérables campanules.
– Elle a prévu de s’y rendre, je crois, dans les prochains jours.
– Et c’est au tour de Thomas Pesquet, sur son compte Instagram de me faire les yeux doux. Il est de retour sur Terre demain ! Te rends-tu compte ?! Qu’est-ce qu’il m’a fait rêver, celui-là ! On peut dire qu’il est doué pour la communication…
– Euh, tu es sûre que ça va ?
– Quant à lui, j’adore ses créations si singulières. Encre de chine et vieux papiers. Encore une bien belle découverte !
– Euh… Tu veux boire quelque chose ? Un Vodka Martini ?
– Il suffit d’un clic pour être ici et ailleurs. Vive Internet !

Juin 2017
© épaisseur sans consistance

Pour soi, en soi

Sur un papier vieilli, terni, une fillette me dévisage. Un fond gris au cadre blanc, une photographie sans âge. Trois ans à peine, en culotte courte, elle se distingue allègrement. Elle vient à moi faussement facultative et je surprends dans son approche une séduction désinvolte et fraîche. Sa jeunesse m’offense. Ses avances demeurent honnêtes mais je ne puis la rejoindre : à jamais je suis perdue car j’ai grandi. Sur d’autres visages jaunis, je perçois le défilé des âges… Dans une quotidienneté sans harmonie, sans éclat de sympathie. Entre ces masques sombres et sages, se joue une duplicité farouche, maligne à faire fondre le Miroir. Car d’outre-tombe, l’œil du Maître ne cherche qu’à envahir ma nature de sa propre authenticité. Et dans une pantomime d’absence grotesque, les masques aiguisent alors une rumeur folâtre : la petite fille que j’étais me prend pour son jouet.

Dans cette vaste projection blafarde, de lourdes menaces pèsent sur ma liberté.

Mars 1989
© épaisseur sans consistance