Wajdi Mouawad

Journal de confinement

« Ouvert dès mardi 17 mars, Wajdi Mouawad, directeur de La Colline vous donne rendez-vous du lundi au vendredi à 11 heures pour un épisode sonore inédit de son journal de confinement, de sa propre expérience à ses errances poétiques : Une parole d’humain confiné à humain confiné. Une fois par jour des mots comme des fenêtres pour fendre la brutalité de cet horizon. »

A écouter ici

Benoît Lambert. 1

Benoît Lambert est metteur en scène. Depuis 2013, il est directeur du Théâtre Dijon-Bourgogne. Il est également l’auteur de plusieurs pièces de théâtre dont Bienvenue dans l’espèce humainecréée le 13 février 2012 au lycée Stephen Liégeard à Brochon (Côte-d’Or). Il m’a été donné d’assister à une représentation de cette pièce récemment, interprétée par deux comédiennes, Anne Cuisenier et Géraldine Pochon. C’est drôle, fin, grinçant, déstabilisant (pas du tout racoleur, comme on pourrait le croire au départ). En voici un extrait. 

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Black Dolls 3. Madeleine et Léonie # 27

Acte 1 à lire ici
Acte 2 à lire

ACTE 3 (suite et fin)
Personnages. Le merle, Madeleine, Léonie et une poupée très particulière
provenant de la collection de Deborah Neff.


(Le lendemain de la visite. En cette fin d’après-midi ensoleillée, le jardin public est bercé par le souffle flexible du vent, le chant mélodieux d’un merle et le cliquetis des aiguilles à tricoter.)

LE MERLE. – ♫ Prochain départ pour le Winibus ! ♪

MADELEINE. – On n’est pas bien, là ? Les pomponnettes, la verdure, le soleil ! Et la tarte au citron de Carnets Paresseux, façon Pierre Hermé ! Tu n’as pas oublié son invitation ?

LÉONIE. – (elle reste concentrée sur son ouvrage, sans mot dire)

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Fernando Pessoa. 3

Pour Frog

Dans sa participation lumineuse à l’Agenda Ironique de janvier, Frog a cité le « merveilleux Fernando Pessoa« , à travers un poème tiré du recueil Le Gardeur de troupeaux et les autres poèmes d’Alberto Caeiro.

Elle m’a donné l’idée de redonner la parole au grand poète-écrivain.

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Jeanne Benameur. 3

« Lui, là-bas, en Afrique, il n’avait pas cherché à sauver l’humanité, il avait juste voulu sauver une femme. Une seule. Et inconnue.
Il ne sait toujours pas pourquoi. Parce qu’il faut se faire croire que la barbarie c’est pour les autres ? Pour rester humain au fond de soi, un peu ? A la fin d’une journée lestée de son pesant d’horreurs, comme chaque journée, il y avait eu cette femme devant une case restée miraculeusement debout. Exténuée de maigreur, son lait devait être tari depuis bien longtemps. Le bébé calé dans l’angle décharné du coude, elle essayait de faire entrer une cuiller en bois vide dans sa bouche. Il s’était arrêté, saisi. C’était la cuiller vide et ce geste obstiné de nourrir. Le bébé ne pouvait plus ouvrir la bouche. Le geste se répétait. Insensé. Inutile. Lui, Marc, voyait le vide de la cuiller qu’elle tentait de faire entrer dans la bouche du bébé auquel répondait le vide à l’intérieur de la bouche obstinément close, même plus capable de donner le change de l’ouverture. Voilà. Une mère et son enfant. Un microcosme absurde… la folie sans bruit qui s’empare des êtres. Parce que plus rien n’a de sens.
Cette nuit, Marc se dit que c’est ça qui l’avait fait se pencher, attraper cette femme, la charger sur son dos. Au geste vide de la mère ne répondait plus rien. Pour l’enfant c’était trop tard. Il savait que les hyènes s’en chargeraient.

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Ex nihilo. Madeleine et Léonie #5

Mad & Léo (5)
@ Andrea Couturet

– Je t’écoute.
– A quel propos ?
– Eh bien, on répond ensemble au courriel d’Andrea, non ?
– Cette fille est complètement perchée – comme le corbeau de la Fable. Pourquoi perdre ton énergie à lui répondre ?
– Tu n’as rien compris à son courriel ?
– Ecoute. Cela me rappelle Boualem Sansal qui intervenait dans La Grande Librairie en novembre 2015, après les attentats. Il disait à peu près ceci : « Nous acceptons la Vie, comme ça, dans son absolu. On ne cherche pas à savoir d’où elle vient. Il n’y a aucun être humain parmi nous qui cherche à savoir d’où elle vient… Elle vient de Dieu ou elle vient de molécules qui se sont formées dans l’espace… ça ne nous [intéresse pas]. On existe. On vit. On a ce désir de vivre librement. »
– Oui. Et alors ? 

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