Avertissement
Ce récit, fruit confit d’un travail collectif et joyeux, est une oeuvre de pure fiction. Toute ressemblance avec des situations réelles ou avec des personnes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite. En fond sonore, le Concerto pour deux mains gauches de Ravittgenstein (1).
Direction musicale, Jo Bougon
Chef d’orchestre invité, Chachashire
Flûte, Marinade d’histoires
Hautbois, Victor Hugotte
Clarinette, Gibulène
Trombone, Max-Louis
Trompette, Palette d’expressions
Violon, Patchcath
Contrebasson, Carnets Paresseux
Piano, votre serviteur
Anatole Bourbonnet. Il est des noms qui vous retournent les sens, l’essence de l’esprit. Des noms qui ont le goût de l’enfance et la gueule des premiers émois. Ainsi Léonie, grâce à Gougueule, avait retrouvé son ancien camarade de jeux, Anatole Bourbonnet, rencontré à l’école primaire. Aujourd’hui, elle a rendez-vous avec lui à la Brasserie Le Pingouroux. Accompagnée de Madeleine (que voulez-vous, ces deux-là sont insécables par nature), un état d’excitation extrême l’anime. Pourtant, le quart-d’heure de politesse est passé depuis longtemps. Anatole viendra-t-il à la rencontre de Lėonie, son amour de prime jeunesse ?
– Je me souviens lui avoir demandé : « Qu’est-ce que tu vas m’offrir de beau pour Fatalimace ? ». Il m’avait répondu : « Pour Fatalimace tu auras des poux et pour tes étrennes, des sous ! ». N’était-ce pas déjà romantique ?
– Romantique ? Oui, on peut dire qu’il avait l’esprit de la Rome antique. Pour l’heure, il est en retard ton Julot.
– Entre le balu et le ment, mon cœur balance. Oui, c’est un doux balument, répondit Lėonie, en ponctuant sa phrase d’un rire ample et nerveux.
– Bon ne le prends pas mal, hein ? C’est un compliment… enfin presque. Bref, entre nous je peux bien te le dire, ton rire me rappelle celui de la jumeleine. Décidément, je ne supporte pas le manque de courtoisie ! Quel goujat !
– Peut-être a-t-il été retardé par un déferlement fulgurant d’accenteurs mouchets sur le quai de la gare ou bien ne sachant comment s’habiller, il en est encore à essayer telle chemise, tel costume… Que sais-je… En attendant, profite plutôt de la musique. L’énergie qu’elle dégage par son rythme est tout simplement…
– Tu as l’oreille fine car personnellement, je n’entends rien – peut-être parce que je n’y entends rien. En tout cas, je me range à ton enthousiasme, c’est mirififique, d’une poésitivité éléphantastique, boréalimentairement mergnifique !
– N’est-ce-pas ?! Et ce tableau, Madeleine. Qu’en dis-tu ? La beauté de la blancheur de la banquise… tout ce blanc, au moins cinquante nuances de blanc, on se sent comme enchanté !
– Ben, c’est pas étonnant quand on se trouve sur l’enchanquise !
– L’enchanquise ! N’est-ce-pas le titre d’un poème de Victor Hugotte ?! « En hiver la terre pleure ; // Le soleil froid, pâle et doux, // Vient tard, et part de bonne heure, // Ennuyé du rendez-vous. » (2)
– Je serais bien tentée de m’éclipser comme le soleil, vois-tu. En tout cas, les mots de Victor Hugotte ont échappé à la glaciation, eux. Et dire que pendant ce temps-là, les pingouins s’interrogent sur les conséquences du réchauffement climatique sur les mogelés. Quelle misère. Bon, si ça se trouve, ton Roméo est venu, il a vu ta trogne frissodulottée et il est parti en courant ! Ah ah ! (son rire devient peu à peu soupir). Tu sais quoi ? La tournure que prend ce rendez-vous m’ennuie.
– Tu as bien fait d’apporter ton tricot. Eh bien moi, il m’enchansorcèle, ce rendez-vous ! Et je sais qu’Anatole viendra.
– Au fait, pendant que j’y pense, pour ta dent, je te conseille d’aller chez le délicaristique, il a des plombages nouvelle génération qui ne s’usent pas ! Et pour tes cheveux… Mon dieu, cette coupe oscille entre l’incongruvenance et l’imperlitesse.
– Tu ignores tout de l’amour.
– Garçon, s’il-vous-plaît ! Un thé citron et…
– Une Vodka-martini avec un nuage d’éclat glamour. Merci.
– Et dire que sa première femme s’appelait Charonne.
– Ah oui ! Cette femme américaine qui sentait mauvais comme un animal tué sur la route ! Oh mon dieu ! Le voilà !
– Ce grumeau farfagnol ?! Non, tu plaisantes.
– Je te dis que c’est Anatole ! Mon Frédéreau Moric ! Pousse-toi !
Lorsqu’il fit enfin son apparition, il eut ce visage possédé entre le patibulaire et l’abomifreux. Son regard vert-turquoise bougonesque avait un je-ne-sais-quoi de chauve-sourinesque qui ne rappelait en rien son éducation sentimentale. Il s’approcha, légèrement intimidé. Afin d’envisager sous les meilleurs auspices un écriame dont le chocile était amupliqué, il préféra garder son bourbonnet de djinn élimé.
– Léo ? Léonie ? dit-il d’une voix hésitante.
– Non, moi c’est Madeleine. Je vous laisse à vos souvenirs… ébourichevelus.
– Anatole ! s’écria Léonie, en proie à une agitation intérieure acérée.
– Léonie ! J’ignorais l’existence de ta sœur jumelle.
– Ce n’est pas ma sœur jumelle. C’est… autre chose. Tu prends un café ?
– Un Martini-vodka et un croque-madame.
– Garçon !
Ils se regardaient les yeux dans les cheveux en se souriant. Sous le charme, Léonie prenait un air doucereux, Anatole était mièvre de nature.
– La barbe te sied à merveille. A nos retrouvailles ! Tchin !
– Tu es resplendissante ! Aux nouvelles technologies ! Tchin !
– Dis-moi, ne serait-ce pas la saint-Créaginaire, aujourd’hui ?
– Non, c’est la saint-Guillaume.
– C’est bien ce que je disais ! Notre rencontre est donc placée sous le signe de l’auteur des Calligrammes, mort il y a cent ans ! Tchin !
Bientôt, il suffisait d’un bref coup d’œil pour que des éclats de rires artificellent.
– Et tu te souviens quand on jouait à Bonne nuit les Petits ? Tu me disais : « Allez viens, Pimprenelle, tu vois bien que le marchand de sable est atteint de polimalie aiguë. Il ne va pas tarder à rejoindre les bras de Morphée. Viens.
– Et tu me répondais : « Mais Nicolas, aie confiance, aie confiance, bordel ! »
Et leurs éclats de rire couvraient la musique de Ravittgenstein. Justes et à propos, les blagues fusaient dans tous les sens et de tous genres pour l’agendagouin qui approchait à grands pas. Tout à coup, à force de rire en cassant la croûte, et c’est à une bouchée qui s’émietta, il se défit la délibule gauche brusquement par un léger craquement comme l’on croque des os de caille. Tout aussi subitement, son visage devint blême, verdâtre, décomposé.
– Eh bien qu’est ce qui t’arrive ?
– C’est l’automne. J’ai le moral en berne, le spleen brumageux. Léonie, je ne sais plus où j’en suis, je cours après le sens de ma vie, mais elle m’a rattrapée.
– Ah ça ! je le voyais bien, moi, que tu étais existancié, mon cher Anatole ! répondit Léonie.
– Tu n’imagines même pas la pinguouination qu’il a fallu déployer pour en arriver là !
– Tu en as marre de l’insolitude ?
– Oui, j’en peux plus !
– Eh bien, ramène-moi chez toi et tu goûteras à la deusolitude !
Après un moment de silence, Anatole reprit la parole avec audace : « Tu accepterais de faire une partie de couettivité avec moi ? ». C’est alors qu’un couple de jeunes gens avec mômes hurlants fit une entrée fracassante et pachydermique. Toute la petite famille s’installa auprès d’eux.
– Tous les bébés sont des tartuffoliques : on croit qu’ils sourient quand ils ont mal au ventre, lança Léonie haut et fort.
– A qui le dis-tu ! répliqua Anatole dans un même élan. Je déteste aussi quand ils font leurs gymnasticots à attraper leurs pieds. Mais… Tu n’as pas répondu à ma question.
Tandis qu’ils riaient à nouveau, Madeleine se leva, incommodée par le grognement des mioches, s’approcha de son amie et lui glissa à l’oreille : « Paradoxalement tu deviens drolatour avec cette diatribe, trouverais-tu que je sens la crevette arctique ? ».
(1) Allusion au Concerto pour la main gauche, Maurice Ravel, 1937 pour la création française
(2) En hiver la terre pleure, Victor Hugo, Les quatre vents de l’esprit, 1881
Illustration d’ouverture, Pinterest (sans mention particulière)
Ma participation au troisième mouvement de l’Agenda ironique d’octobre-novembre 2018 proposé par Jo Bougon du blog L’Impermanence n’est pas un rêve et Chachashire du blog Différence Propre et Singularités.
Rappel de la règle du jeu en trois mouvements
Premier mouvement, do – Deuxième mouvement, ré – Troisième mouvement, mi
Bon jour,
Une rencontre du troisième type qui ne laisse pas indifférent … pour ce troisième mouvement 🙂
Excellent 🙂
Max-Louis
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Merci Max-Louis.
Jamais deux sans trois.
😉
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Magistralement […*] !
[*] « formulation à inventer dont je ne trouve pas l’équivalent dans le vocabulaire existant ».
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Dois-je comprendre, maestro, que la greffe de vos yeux revolver ne vous a pas trop contrariée ? J’en suis bien aise.
Reste à savoir comment va réagir le receveur !
Merci Jo et bravo pour cette organisation improbable !
😉
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les receveur des PTT de rire ? je me joins aux félicitations à jobougon.
bon évidemment ma revanchance sera terrigolote ou ne sera point.
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Ah bah, c’est pas trop tõt !
Je croyais qu’il était tombé dans un trou, le chat de shire !
🤣😁😃
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Ha oui je comprends mais j’ai une mission sur cette terre : me faire désirer. ;o)
Désolé je suis un peu pris ailleurs – et mes capacités sont trés vite débordées.
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Ah ah !
Mais, vous n’avez pas à vous justifier, très cher !
😉
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Eh bien quel concerto ! 🙂 Bravo pour la virtuosité de l’assemblage !
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Merci Laurence.
Alors comme ça, vous avez décidé de renoncer à l’exécution du 3ème mouvement ?
Mais peut-être qu’entre le balu et le ment, votre cœur balance toujours ?
😉
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Joli texte, magnifique morceau, sourires subtils,
voici un petit cadeau https://www.youtube.com/watch?v=_kDDljSlka4
Les prochains mouvements, s’il y a et d’après ce que tu as noté, seront Fa Si La, alors si c’est facile à….
😉
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Merci Patchcath !
L’Adagio d’Albinoni me donne toujours des frissons. Je ne connaissais pas cette version…. spectaculaire ! J’envie les musiciens et cette petite fille m’émeut ; ça a l’air Si Fa Si La faire pour elle. Merci pour ce cadeau.
🙂
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Il fallait le faire !!! …….. et tu l’as fait ! parfait 😀
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J’ai essayé, en tout cas !
Merci !
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