Dans la lumière des saisons, Charles Juliet, 1991


Un vieux linge devenu rugueux ?
Un cliché inédit du relief lunaire ?
Un micro-organisme dangereux ?
Non, le résultat épatant d’un nettoyage chimique sur la peinture murale d’un immeuble en cours de ravalement.
© épaisseur sans consistance, Avril 2017
« Ecrire.
Je ne peux pas.
Personne ne peut.
Il faut le dire : on ne peut pas.
Et on écrit.
C’est l’inconnu qu’on porte en soi : écrire, c’est ça qui est atteint. C’est ça ou rien.
On peut parler d’une maladie de l’écrit. (…)
L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire, on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité.
C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d’en perdre la vie.
Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine. »
Ecrire, Marguerite Duras, 1993, Gallimard, collection Folio
En ce lundi de début avril, dans le train qui m’emmène à Paris-Saint-Lazare, une femme est assise non loin de moi, de dos. Bouclés, fournis et courts, ses cheveux noirs de couleur orangée tendant vers le rouge témoignent avec éclat du plus mauvais goût, du plus mauvais choix de sa perruque. Corpulente, elle porte une longue robe très colorée – avec une prévalence de jaune vif – aux motifs floraux africains. Elle tient son smartphone à la manière d’une tasse de thé, le petit doigt en l’air, tout près de son oreille gauche. Sa main droite serait-elle plongée dans un paquet de madeleines ? D’imposants bijoux dorés ornent ses doigts et ses poignets – peut-être même son cou. Peints en vert façon menthe fraîche, elle semble fière de ses ongles.
Lire la suite Métaphore inattendue« L’Ecclésiaste et Tolstoï ont beau nous dire que la terre est une vallée de larmes, ils le disent avec une énergie et une autorité vitale qui nous rendent énergiques et vivants. Pascal dit avec tant de force que l’homme est un roseau, qu’on sort de chez lui content comme un chêne. La Rochefoucauld et Chamfort démontrent que l’homme est méchant avec tant d’intrépidité qu’on revient de chez eux presque bon, et certainement allégé. Qu’une œuvre agisse par la persuasion ou la révulsion, que ce soit Tchékhov qui nous persuade par son exemple et sa voix d’être bienveillants, ou le marquis de Sade dont la fureur logique, en autorisant tout, nous oblige, quand on a suivi la rigueur de ses raisonnements, à réinventer une morale et à nous interdire beaucoup de ce qu’il autorisait, la littérature est toujours, même quand les écrivains expliquent comment ils se sentent mal ou pourquoi il faut se sentir mal, une façon de se sentir mieux. Une façon, aussi, de sentir mieux« .
Défense de la littérature, Claude Roy, 1968, Gallimard, collection Idées


© épaisseur sans consistance

Au cours de ma promenade matinale, je croise deux enfants en bas âge, accompagnés de leur nounou. « Bonjour ! » me lance le plus grand. Je lui réponds aimablement en lui faisant remarquer que nous portons le même genre de marinière. « Oui, on a le même pull ! » s’exclame-t-il. Alors que je poursuis mon chemin, j’entends derrière moi la même voix enfantine. « Sauf que le mien, il est en laine. En laine d’agneau ».
Illustration Sarah Jane
© épaisseur sans consistance, Avril 2017