Epistolaire ~ 3

Lorsqu’elle en croisait une, elle avait parfois une pensée bienveillante pour Susanita, le personnage de Quino, qui ne peut s’empêcher de penser, le visage dépité et les lèvres pincées : « Et dire qu’il n’y a pas moyen de savoir qui dit quoi à propos de qui ! ». Elle considérait le métier de facteur comme le plus beau métier du monde. Trier et distribuer le courrier à la campagne, quelle fabuleuse mission de service public ! Contre vents et marées, sa sacoche de facteur, en toile bordée de cuir, acquise auprès de la boutique du musée de La Poste, accompagnait tous ses déplacements. Sans être philatéliste, Camille aimait se rendre dans n’importe quel bureau de poste pour s’offrir les plus beaux timbres du moment. Le soin tout particulier qu’elle avait de les apposer sur l’enveloppe de son bienheureux destinataire relevait sans doute d’un trouble obsessionnel compulsif – il convenait de placer la vignette à une distance raisonnable de l’angle supérieur droit de l’enveloppe, ni trop près, ni trop éloigné. En ce domaine, elle était incapable de fantaisie. Pourtant, ses visites régulières au musée de La Poste auraient pu l’aider à adoucir ce rituel d’un autre âge. Elle était proprement fascinée par les enveloppes aquarellées de Georges Lemoine ou de Florine Asch à leurs proches ou encore par celles très colorées, proches de l’enfance, de Marie Morel, annonciatrices d’un contenu des plus inventifs. Bien entendu, seule sa correspondance privée avait droit à un tel traitement de faveur. Elle ne prenait pas tant de soins pour acquitter ses impôts : dans ce cas, l’administration fiscale devait se contenter d’une Marianne auto-collante ou d’une enveloppe pré-affranchie.

Fonds Oulipo (Bibliothèque de l’Arsenal) Jean Lescure. Enveloppe illustrée envoyée à Raymond Queneau
Octobre 2008
© andrea couturet

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